Du chaume à la tuile Adaptation des pignons, murs et charpentes

Le passage du chaume à la tuile ou à l’ardoise au 19e siècle

Ploumanac’h vers 1900, une toiture remaniée en tuiles au milieu de chaumières, collection André Le Person

Le chaume provient de roseaux, de joncs, de paille de blé ou de seigle coupés à la faux ou à la faucille. Peu onéreux, il offre une bonne isolation thermique pour les chaumières, écuries ou étables et est populaire jusqu’au 19e siècle.

En Bretagne, terre agricole à population pauvre et à l’habitat dispersé, le recul du chaume sera lent. Il tient à l’invention des batteuses qui, en cassant la paille, la rendent impropre à la couverture des toits. Par ailleurs, l’industrialisation répand l’idée de progrès et de modernisme, et la chaumière qui fait encore l’admiration des peintres est perçue comme une habitation de pauvres et de gueux. Les hygiénistes du 19e siècle tempêtent aussi contre les chaumières sombres et humides où l’air ne circule pas et qui abritent rats et souris.

Plaque de tôle émaillée
"M.A.C.L" de la rue du Capitaine-Lagache à Paris, acronyme pour "Maison assurée contre l’incendie". Cette plaque est apposée au-dessus de la porte d’entrée et prouve que la cotisation a été payée.

Napoléon III promulgue une loi visant à interdire les toitures en chaume et même leur réparation, le risque d’incendie dû aux cheminées défectueuses étant désormais accru par des innovations telles que la lampe à pétrole ou la lampe Pigeon utilisées à la maison comme à l’étable. Toutefois les préfets accordent souvent des dérogations aux paysans incapables de financer la substitution du chaume par l’ardoise ou la tuile.

Plaque de tôle émaillée de la compagnie d’assurances "L’Abeille"
compagnies d’assurances à primes fixes, incendie, accidents et risques divers, L’Abeille, grêle, vie, agence générale) fondée en 1856 sous le nom de "Abeille Bourguignonne". Ces plaques résistent à un incendie.

L’État encourage l’essor des compagnies et mutuelles d’assurances contre l’incendie qui préconisent bien sûr le remplacement du chaume. La formation de compagnies de sapeurs-pompiers dotées de pompes est préconisée. Mais, quand sonne le tocsin, c’est toute la population du village qui s’affaire autour de la chaumière en feu.

Aujourd’hui, paradoxalement, la pose et l’entretien d’une toiture en chaume sont un signe d’aisance financière.

Bâtiment couvert en tuiles à Saint-François à Plouguiel, tableau d’Hermine Jullien

L’adaptation des toitures après le chaume

Couverture restaurée dans le département du Morbihan : crossette, chevronnière en granite et chaume, collection particulière
Chevronnière ou rampant de pignon pour une couverture en chaume
observé sur le corps de garde de l’Île de Sieck dans le Finistère, photo Guillaume Lécuillier, Inventaire Général

Principe des toitures en chaume

Sur les maisons, le chaume est composé de bons matériaux : joncs ou seigle posés sur une bonne épaisseur, bien réglée et avec une pente prononcée. Cette épaisseur, une trentaine de centimètres, nécessite une adaptation de la pointe du pignon en saillie de la toiture. Cette surélévation empêche la paille d’être arrachée par les intempéries et vents violents.

Nommée chevronnière, elle est souvent bien travaillée en pierres appareillées et assemblée en sifflet démarrant sur une crossette qui épaule le chaume à l’égout.

Lors du recensement des tuiles, nous avons noté sur le terrain quelques processus de substitution : lors du remplacement du chaume par de la tuile, moins épaisse, la charpente a a été conservée et la tuile est liée à la surépaisseur de la chevronnière par un solin incliné en béton.

Couverture en tuiles remplaçant un toit en chaume, photo Océanide
 : exemple d’un solin en béton liant les tuiles à la chevronnière et d’un coyau sur les deux dernières rangées de tuiles

Quelquefois la pente du toit est diminuée et l’on constate :

Un relèvement du pignon sur la crossette pour former un coyau. Ce coyau améliore l’appui de la charpente sur la sablière, protège cette dernière et écarte plus rapidement les eaux de pluie du mur de façade.

Couverture en tuiles à Saint-Antoine à Lanrivain, photo Océanide
 : exemple de relèvement du pignon sur la crossette pour former un coyau.

Couverture en tuiles remplaçant un toit en chaume : exemple de coyau sur les deux dernières rangées de tuiles.

Schéma d’une ferme et d’éléments de charpente
Bâtiment dépourvu de couverture au lieu-dit Le Roudour à Plougrescant, photo Océanide
 : exemple de surélévation des murs de façade et rampannage des pignons après chaume
Couverture en ardoises après chaume, photo Océanide
 : exemple d’abaissement du faîtage et relèvement du pignon sur la crossette
Croquis : du chaume à l’ardoise ou à la tuile, croquis (c) Tiez Breiz

Pour les loches, étables, granges et dépendances, le chaume est souvent rudimentaire, fait de genêts et de fougères. La tuile est alors posée débordante ou pour les mécaniques plus modernes avec une tuile de rive ad hoc à l’équerre.

Couverture en tuiles : exemple de chevron de rive non protégé et tuiles à l’égout non surélevées en partie basse, photo Océanide.
Les deux derniers rangs de tuiles piquent du nez par rupture de la pente
Schéma de principe pour une couverture en tuiles
 : le liteau bas dit de basculement doit être plus épais

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