Les huîtrières du Jaudy et du Trieux De la pêche à l’ostréiculture

LA PECHE AUX HUITRES DANS LE TRIEUX ET LE JAUDY

Les huîtres sont appréciées depuis des millénaires : chez les Chinois, chez les Grecs. Les Romains, les premiers, ont eu l’idée de les élever dans des parcs afin de pouvoir en fournir une grande quantité pour les banquets. En fins gourmands, ils appréciaient fort celles de la Manche.

A l’époque gallo-romaine, les bancs naturels d’huîtres sont en pleine expansion, les huîtres servent alors à la fabrication d’un condiment très apprécié : le garum. Mais c’est surtout au XVIè siècle que leur commerce se développe. Paris est régulièrement approvisionné, et ces coquillages sont servis en grande quantité sur les tables royales. La Fontaine en est même inspiré dans « Le rat et l’huître » :
« Parmi tant d’huîtres toutes closes,
Une s’était ouverte, et, baillant au soleil,
Par un doux zéphyr réjouie,
Humait l’air, respirait, était épanouie,
Blanche, grasse, d’un goût à la voir, non pareil. »

On devine que ce coquillage était très prisé. Les documents (chartes, réglementation), nombreux pour l’époque moderne en attestent, comme l’ordonnance de la marine de 1681 qui laisse libre la pêche aux coquillages.

Origine et situation des bancs

A Tréguier, les parties maritimes des deux rivières du Jaudy et du Guindy possèdent un gisement naturel d’huîtres plates de lointaine implantation. Les colonies de mollusques s’étendaient autrefois nettement en amont, en un temps qui remonte à 3 millions d’années. La mer atteignait alors une altitude supérieure de près de 50 mètres. Ceci est confirmé par la présence de bancs de coquilles trouvées en 1970 à Pont-Rouz près de Lanmérin et Quemperven sur les rives du Guindy, à 4 km environ en amont de Tréguier. En creusant un puits, deux cultivateurs ont mis à jour des coquilles d’huîtres fort bien conservées, avec leur intérieur nacré, sous des couches de terre, d’argile et de marne, du sable de mer.

Un mémoire de 1734 conservé aux Archives Nationales indique la localisation exacte des bancs entre Tréguier et Paimpol :
- A l’embouchure du Trieux sur la paroisse de Pleudaniel dans la baie de Lancerf.
- sur le territoire de Lanmodez, sous Pommelin.
- sur le territoire de Plubien dans la rivière de Tréguier.
- à Tréguier, de la chapelle Saint-Yves du Minihy jusqu’à Plubien.
- à Trédarzec et Plouguiel en face la chapelle Saint-Laurent. Ces huîtres sont plus
estimées et de la meilleure qualité.
- dans le milieu du bras de mer qui forme le port de Tréguier sur laquelle la pêche se fait à la drague avec bateau.
- à Plouguiel au passage Saint-François.
- à Plougrescant autour du Rocher ou de l’île déserte de Loaven. Elle est très abondante. La pêche s’y fait à la main lors des basses mers. »

L’huîtrière de Tréguier est située à près de 10 km de l’embouchure du Jaudy. Elle s’étend sur plus de 3 kilomètres, dont 800 mètres en face des quais, 400 mètres dans son affluent le Guindy, et 2 000 mètres dans le Jaudy en amont du pont jusqu’au confluent avec la rivière de Pouldouran, près de la baie de Sainte-Anne. Dans le Jaudy, sa largeur moyenne est de 75 à 100 mètres. Dans le Guindy sa largeur n’est que de 20 mètres. Par grande basse-mer d’équinoxe, les deux rivières assèchent laissant un chenal dans lequel il reste entre 0,60 m et 2 m d’eau.

L’huîtrière du Trieux s’étend de part et d’autre de Lézardrieux, la plus grande superficie étant située devant Camarel en Pleudaniel sur la rive gauche, jusqu’au lieu-dit Toull an Huiled en rive droite en Lancerf.

S’inspirant du rapport d’inspection des Amirautés fait par Le Masson du Parc en 1726, et après avoir étudié toutes les archives de l’Amirauté du Finistère dont Tréguier faisait alors partie, Bourde de la Rogerie a donné une vue globale de ce qui se faisait en matière d’huîtres en Bretagne au début du XVIII è siècle. Les premiers mots qu’il utilise sont d’ailleurs significatifs, la « pêche des huîtres », et non la culture, et encore moins l’ostréiculture, terme qui n’apparaîtra qu’à la deuxième moitié du XIX è siècle. La vision qu’il donne est un peu surprenante : « Cette pêche était plus en honneur sur les côtes de Tréguier et du Léon, que sur celles du sud de la Bretagne. L’enquête sur la pêche en 1730, cite les huîtrières de Tréguier et Morlaix qui étaient la principale ressource des riverains, et celles de Landerneau et Plougastel. Le Masson du Parc n’en nomme aucune dans les autres évêchés. Les huîtres n’étaient pas considérées comme un aliment de luxe ; elles étaient consommées par les habitants du littoral qui les payaient très bon marché. Les bancs étaient d’une abondance qui paraît de nos jours absolument extraordinaire. »

Cueillette et drague

La bonne qualité des huîtres de Tréguier est déjà reconnue au début du XVIIIè siècle. Le Masson du Parc signale en 1726 qu’elles sont « très délicates et estimées même autant que les huîtres anglaises. On les pêche depuis septembre dans la rivière par le travers de la porte Saint-Yves jusqu’à Saint-Laurent. On pêche aussi des huîtres à l’entrée de la rivière. On en pêche deux sortes : les petites, les mêmes qu’à Tréguier, et les grosses, propres à mariner. Les huîtres de Tréguier sont de première qualité, de mauvaise qualité par grande chaleur, et les pêcheurs se sont conformés à la police mise d’office par les officiers de l’Amirauté de ne pas faire de pêche durant les mois de mai à août. »

Les huîtres pêchées à Tréguier sont désignées dans le pays sous le nom de « huîtres de Saint­ Laurent », et se distinguent des autres huîtres de Bretagne par « l’émeraude nacrée de leur coquille et la délicatesse de leur chair bien vivante ».

Le commerce qui s’en fait est également assez conséquent. Peu à peu, leur notoriété s’étend dans le royaume : « En 1740, on vint y prendre un chargement de 30 tonneaux pour former le banc d’huîtres de Dieppe, qui fournit Paris. »

On n’imagine pas encore qu’une pêche trop abondante puisse nuire au gisement, ainsi que l’écrit Vallin en 1746 : « Cette pêche procure au menu peuple des villes maritimes une ressource abondante non seulement pour la nourriture et celle de leurs familles mais encore pour le paiement d’une partie de leurs subsides. Si le pouvoir maintient cette liberté, c’est qu’elle est sans danger car le fond du coquillage est vraiment inépuisabl. »

Les différentes méthodes de pêche de cette époque sont précisées en 1769 par Duhamel de Monceau dans son « exposé des pesches qui se font sur les différentes côtes ». On sait ainsi qu’elle existe de façon vraiment générale dans tous les départements de Saint-Malo à Brest, qu’il s’agisse de ramassage « à mer basse, à la main ou avec un croc » ou de pêche à l’aide d’une drague ou « dreige », tirée par un bateau à voiles ou à rames. Pour cette dernière, les avis sont unanimes : c’est la pratique la plus courante à Cancale, Tréguier, dans la rade de Brest... Le principe est simple : les huîtres sont fixées aux rochers « pour toujours par leurs coquilles, et c’est de dessus ces rochers qu’on les arrache avec un instrument de fer dont le bas est en forme de râteau, derrière lequel flotte une poche faite de lanières de peau de veau fraîchement écorchée ; ce râteau est tiré par un long cordage amarré à 3 barres de fer qui se réunissent au­ devant, et prenant dessus et des côtés d’un cercle de fer qui tient la poche ouverte, y font entrer les huîtres, les plantes et autres corps, que le râteau détache du fond et soulève. Cette drague ou chausse est une espèce de filet qu’on fait en entrelaçant des lanières de cuir de boeuf, en sorte que les mailles aient deux pouces en carré d’ouverture. La chausse a ordinairement 4 pieds de long sur 12 à 15 pouces de large. L’embouchure est montée sur un châssis de fer, lequel raclant le banc, en détache les huîtres qui tombent dans la manche. Quelquefois, on emporte 200 huîtres d’un seul coup de drague. Cette pêche se fait par les beaux temps depuis le mois d’octobre jusqu’à Pâques.

Premières inquiétudes, premières mesures

Le premier document officiel concernant des mesures de protection du gisement apparaît le 19 août 1755, époque où on commence à parler de menace d’épuisement. Averti, le Parlement de la Cour de Bretagne étudie la question et constate une certaine anarchie : « Les voituriers qui les portent dans les villes voisines, les vendent au cent, préfèrent les plus petites, ce qui ruine insensiblement le banc où se fait la pêche. Cette pêche se fait pendant toute l’année. Les bateliers ouvrent les huîtres les plus grosses pour en ôter le poisson et jettent les écailles sur le rivage, ce qui détruit une quantité prodigieuse de petites huîtres qui sont ordinairement attachées. Il vient quelquefois des bateaux uniquement pour en pêcher et qui portent sur d’autres côtes le produit de leur pêche. On a l’exemple d’un bâtiment qui en fut entièrement chargé pour les transporter à Dunkerque ».
Considérant ces différents abus, le Parlement prend un arrêt qui doit servir de « règlement pour les intérêts de la ville, mais aussi pour la conservation du banc, pour la subsistance des habitants dont plusieurs font un commerce assez considérable. Plusieurs villes voisines comme Lannion, Guingamp, Châtelaudren, Lamballe sont à la veille d’être privées d’un aliment qui leur est indispensablement nécessaire pendant le temps de Carême. »

Ainsi, il est interdit pendant six ans de ramasser, de draguer des huîtres sur le banc, hors toutefois le temps de Carême, et de les exporter. En outre les bateliers devront écailler les huîtres ailleurs que sur le banc. Le tout sous peine de 10 livres d’amende et de huit jours de prison en cas de défaut ou d’insolvabilité, charge aux Sergents de la Juridiction des Régaires de Tréguier de faire exécuter cette police.

Ces mesures ne restent pas longtemps en vigueur : le 18 décembre 1758, les Etats de Bretagne, réunis à Saint-Brieuc, suspendent l’application de l’arrêt au grand bonheur des pêcheurs. Ceux-ci en profitent un peu trop d’ailleurs, et suite à une plainte de la communauté de ville, un retour aux précédentes défenses est obtenu en 1764, afin de repeupler le banc.

C’est le dragage qui inquiète quelque peu les autorités locales qui prennent conscience de la fragilité de l’huître et des ravages causés par cette méthode de plus en plus appliquée par les pêcheurs qui, en ayant amélioré leur matériel et leur technique, ont augmenté la quantité d’huîtres pêchées au détriment des autres espèces : « Il se commet beaucoup d’abus dans la pêche des huîtres, qu’une sage police et une surveillance accrue des officiers de l’Amirauté peut réparer. Lorsque la drague est trop pesante, elle détruit l’huîtrière et tous les fonds sur lesquels elle agit. Elle bouleverse et détruit tout le poisson. »

La reprise des dispositions de 1755 est salutaire pour le banc qui se refait rapidement, ce qui permet à la pêche de recommencer vers 1770, avec des expéditions hors de la région et même vers l’étranger, les caboteurs venant directement charger depuis les quais de Tréguier.

Mais au bout de quelques années, les abus reprennent. Le Parlement décide alors de donner un coup d’arrêt à cette période faste en faisant paraître le 17 octobre 1775, un nouvel arrêté qui va servir de règlement définitif pendant de très nombreuses années. Plusieurs prescriptions nettement plus draconiennes apparaissent, et leur détail est révélateur des mauvaises habitudes prises par les Trégorrois :

- « Fait défense de pêcher les huîtres avec les filets appelés dreiges ou dragues avant le 1er février de chaque année, depuis laquelle époque sera permise jusqu’au 1er mai exclusivement ;
- fait défense de ramasser les huîtres à la main à la faveur des marées basses pendant les mois où la pêche est prohibée ;
- fait défense de faire des amas d’huîtres sur la grève depuis La Roche Derrien, Pouldouran et le Moulin de l’Evêque sur le Guindy, sur jusqu’à l’île d’Er ;
- fait défense de faire des embarquements d’huîtres pour les exporter par mer ou pour faire des versements sur les bâtiments qui feront relâche au bas de la rivière ;
- ordonne à tous pêcheurs et autres qui écaillent les grandes huîtres dans les temps où la pêche est permise de le faire seulement dans les lieux qui leur seront indiqués par les Sénéchal, ou Procureur Fiscal des Régaires ;
- ordonne que les pêcheurs en partant pour la pêche enlèveront chaque jour les écailles du rivage et les jetteront à la mer à la distance qui leur sera désignée ;
- enjoint et fait commandement à tous pêcheurs, bateliers et autres personnes sans distinction de qualité ni condition, tant de la ville de Tréguier que des paroisses maritimes adjacentes à la rivière de déposer leurs dreiges ou dragues aux magasins de l’Hôtel de Ville de Tréguier huitaine après la publication et affiche du présent Arrêt ;
- qu’à l’avenir ces instruments de pêche seront portés à l’Hôtel de Ville dans les huit premiers jours du mois de Mai de chaque année et y demeureront déposés jusqu’au mois de février suivant. »

Suite à cette période d’interdiction, la pêche reprend, mais elle est conduite de manière assez anarchique, la police sur l’huîtrière étant exercée plus ou moins bien par l’autorité municipale. Les quantités pêchées sont inconnues car dans ces années aucun comptage n’est effectué. Seul le chiffre de l’année 1787 est donné : 4, 8 millions d’huîtres, ce qui représente plus de 15% du produit brut de la pêche du quartier de Tréguier et Paimpol. Un mémoire de 1786 sur les huîtres et les procédés en usage pour sa pêche donne d’autres précisions intéressantes et jusque là oubliées : « La rivière de Tréguier fournit beaucoup de petites huîtres vertes qui sont excellentes. On ne sait point si c’est la coquille qui est verte. On va chercher sur les paluds de basse mer de grosses huîtres à cuire. »

Contrebande

Pendant la Révolution, on s’intéresse peu aux huîtres, et les gisements tendent petit à petit à s’épuiser, en particulier celui du Trieux pour lequel il n’existe pas d’arrêté comme celui en pratique à Tréguier.

Cependant, quelques mesures apparaissent comme celle du 22 mai 1792 où le Syndic du département écrit au Délégué de l’Arrondissement de Pontrieux : « Comme il est important pour la conservation du banc d’huîtres que la pêche de ce poisson cesse et recommence dans nos ports à des époques déterminées, nous vous prions de vouloir bien donner les ordres nécessaires pour que dans les ports de votre arrondissement, la pêche de l’huître soit interrompue pendant les mois de mai, juin, » juillet et août. Preuve est que sur le Trieux, la pêche est demeurée sans contrôle jusque là.

Ce qui est inquiétant dans cette période troublée, c’est plutôt le développement de « l’exportation frauduleuse d’huîtres vers l’Angleterre » , pourtant ennemie de la France. Pendant plusieurs années, les Anglais vont régulièrement entreposer dans leurs propres eaux des huîtres achetées clandestinement à certains pêcheurs peu scrupuleux. Cette contrebande assure ainsi un revenu non négligeable à certaines familles du Trégor, une pratique qui va se prolonger au-delà des guerres napoléoniennes et qui fait vivre plusieurs familles à Tréguier et à Lézardrieux en 1817. Le 14 mars de cette année, le Préfet adresse une lettre de reproche au maire de Tréguier : « Depuis l’ouverture de la pêche aux huîtres qui se fait devant le pont, plusieurs pêcheurs font des amas considérables d’huîtres vers la rive opposée à votre ville pour les vendre plus avantageusement aux étrangers. » Les pêcheurs en question ont trouvé le moyen de détourner le règlement : ils entassent leur pêche sur l’autre rive et plus tard vont les déposer dans des communes différentes soit à Lézardrieux et même à Plouézec près de Paimpol, « des amas considérables destinés à des Anglais qui se présentent pour en prendre livraison pour les transporter dans leur pays. »

Le Préfet ordonne alors au maire de faire respecter l’arrêté de 1775. Le 29 août, c’est le directeur des Douanes qui signale au Préfet de nouveaux dépôts : « environ 160 milliers d’huîtres déposés sur la grève de Lézardrieux appartenant à Yves Le Rolland de Lézardrieux qui les a vendu à un Anglais. 80 milliers ont déjà été expédiés de ce port pour Plouézec. » Le maire se défend en invoquant son mauvais état de santé, mais aussi la situation économique et sociale de ce début du XIXè siècle : « Certains individus instruits de ma maladie qui me retenait chez moi depuis trois mois, ont pris clandestinement des arrangements avec des pêcheurs pour débarquer des huîtres de l’autre côté de la rivière et de les transporter par terre à la grève de Lézardrieux. J’aurais pu faire cesser ces abus à l’arrêt de 1775, mais dans la position malheureuse où nous nous trouvons cette année et comme cette pêche procurait journellement de l’ouvrage à 60 ouvriers, j’ai cru prudent de ne rien faire. Cependant comme le mal augmente et la crainte de l’épuisement total du banc qu’une surveillance de dix ans venait de porter à son plus haut degré d’abondance, je ferai police si vous le trouvez opportun. »

Parcs et réservoirs à huîtres

De fait, en supprimant les Amirautés, la Révolution a détruit le cadre de la surveillance et de la police des pêches, laissant cela à l’Administration municipale qui n’arrive pas toujours à tout contrôler parfaitement. Dans ce cas, la seule solution consiste à interdire le dragage certaines années, 1808 par exemple. Mais cinq ans plus tard, l’appauvrissement du gisement est tel que le mille d’huîtres se paye 6 Fr, prix fabuleux pour l’époque.

C’est alors que vont se faire les premières demandes d’établissement de « parcs à huîtres » dans les rivières du Jaudy et du Trieux. Ces dépôts de coquillages aménagés sur les rives de l’huîtrière doivent permettre, en régularisant l’écoulement des produits, d’assurer à ceux-ci un maintien convenable de leurs prix de vente.

On enregistre une demande en 1820, trois en 1846, et celles-ci se font croissantes au fil du siècle. Mais les techniques en usage sont très variées. Généralement, les propriétaires sont soit négociants de la ville ou soit possèdent une bonne situation. C’est qu’il faut de l’argent pour devenir détenteur d’un parc : d’abord pour sa construction, mais aussi pour la redevance annuelle à verser à l’Etat, qui varie suivant la surface de la propriété, le nombre de parcs et le type d’établissement huîtrier mis en place.

C’est le sieur Le Bras qui fait la première demande de concession, le 27 janvier 1820. Il veut établir, parallèlement et à l’opposé du quai de Tréguier dans un espace de 400 mètres, un « parc volant » pour entreposer uniquement pendant la saison de la pêche, les huîtres qui lui auraient été vendues. Le maire qui, finalement ne sait trop quelle attitude adopter face à cette nouveauté, s’y oppose prétextant que c’est un dépôt défendu par l’arrêt du Parlement de 1775. Le Bras se défend farouchement en affirmant que son parc ne peut nuire aux riverains ni aux navigateurs puisqu’il ne prévoit pas de travaux, le travail de dépôt ou l’enlèvement d’huîtres se faisant à marée basse. Il demande de profiter des dernières décisions gouvernementales en la matière : « Le droit de 50 centimes établi par millier d’huîtres à leur sortie ne vient-il pas d’être supprimé ? Cette suppression n’est-elle pas une preuve bien évidente de l’intention de favoriser l’extraction et l’importance de ce coquillage ? » Finalement, l’autorisation est donnée, mais à titre précaire, moyennant un droit et à condition qu’aucune entrave à la navigation ne soit faite, la police devant être toujours assurée par l’autorité municipale.

Mais en 1826, à la suite du rejet d’une demande de parc, le Ministre de l’intérieur, saisi de la protestation de l’intéressé, déclare que la municipalité exerce à tort une surveillance qui incombe exclusivement à l’Administration de Marine.

Après réflexion de la part des autorités, la création de ces parcs et de réservoirs à huîtres flottants est acceptée mais avec des critères très précis. Ainsi, en 1874, le ministre de la marine autorise le sieur Juliou, marchand d’huîtres à Tréguier à placer trois « réservoirs à huîtres flottants » de 4 m sur 2 m chacun au confluent du Guindy et du Jaudy sur le banc de vase terminé à son extrémité par le rocher « La Roche aux Cochons », autrement appelé « La Roche Noire », mouillés sur chaînes affourchées, sur une seule ligne droite, avec un mâtereau de 3 m de haut, peint en rouge afin de former balise. Auparavant, Juliou a demandé l’autorisation de mouiller dans le Guindy, vers l’extrémité du quai neuf, trois « bateaux viviers » destinés à servir de réservoirs aux huîtres.

L’article 2 d’un arrêté du préfet des Côtes-du-Nord du 6 Janvier 1888, précise que « le parc sera limité à la partie supérieure par un mur ayant 0,8 mètre de hauteur et 0,6 mètre de longueur. Il sera balisé à sa partie supérieure par des pieux, dépassant de 2,5 mètres au moins les plus fortes marées, peints en blanc et terminés par un écriteau également peint de la même couleur et portant en caractère noir le numéro du parc, à sa partie inférieure et pendant le dragage des huîtres au moyen de bouées ». Ainsi, Auguste Le Goaster, obtient l’autorisation de créer un parc à huîtres de 30 m sur 12 à la pointe de Beg Melen, en la commune de Plouguiel, à condition de respecter ces dispositions et de payer une redevance annuelle de 13 F à l’Etat.

Bien entendu, la concession d’établissement huîtrier ne se fait pas au hasard. Le ministère de la marine et les instances qui en dépendent localement, sont conscients de l’importance et de la valeur du gisement huîtrier. Il y a donc des démarches établies en faveur de sa conservation. Un examen préalable des fonds est effectué pour établir le bilan de la reproduction de l’huîtrière. Si la reproduction est menacée, notamment par un dragage trop intensif ou le pillage du gisement, aucune concession ne sera faite. Il est clair que l’huîtrière doit d’abord pourvoir aux besoins de la commune avant ceux de quelques individus qui veulent en tirer des bénéfices.

Quand la concession est accordée, les propriétaires doivent se soumettre à une réglementation spécifique : l’article 2 de l’arrêté préfectoral du 15 juin 1891 indique que « les détenteurs n’emploieront pour la surveillance et l’exploitation de leurs établissements que des inscrits ou des femmes, enfants, mères ou soeurs non mariées d’inscrits maritimes ». Ainsi l’administration locale démarche pour que cette valeur coquillière reste en quelque sorte un privilège de la communauté maritime de la ville. L’article 3 stipule « qu’il leur est interdit de vendre, louer ou transmettre à quelque titre que ce soit les dits établissements », et selon l’article 4 « ces autorisations ne constituent pas un droit de propriété mais seulement un usage précaire révocable à la première réquisition de l’administration sans que les détenteurs puissent prétendre à aucune indemnité ». On évite en fait de transformer ces acquisitions en privilège surtout si on se trouve sous un gouvernement républicain, les principes de la révolution sont alors rappelés.

On observe tout de même des refus de la part des maires des communes concernées comme Tréguier, Lézardrieux. Les raisons principales en sont des considérations d’ordre public. Ainsi en 1861, deux négociants ont formulé une demande tendant à l’établissement d’un parc sur les rives du Jaudy en deçà de Beg Mez Even. L’Administrateur de l’inscription maritime estime effectivement que l’intérêt de l’huîtrière se trouverait compromis si des parcs étaient concédés en dessous de ce point. Avant d’affirmer cela, il s’est chargé en personne d’aller étudier le site de la demande. Il estime que ces concessions ne peuvent être attribuées car « l’emplacement demandé n’est pas à une assez grande distance de l’huîtrière pour que la concession puisse en être faite sans inconvénient pour les huîtres et sans donner lieu à des réclamations des pêcheurs . »

Conscientes de l’importance et de la valeur du gisement, les autorités concernées expriment la volonté de le conserver. De plus, très vite devant l’épuisement du gisement, une réglementation stricte s’impose.

Le banc sous étroite surveillance

Dès 1830, on constate de nombreuses infractions aux règles établies pour la conservation de l’huîtrière et les autorités maritimes estiment que des mesures urgentes doivent être prises.

En 1832, le préfet maritime de Brest établit un rapport suite à la formation d’une commission. Il demande, vu l’état nécessiteux des familles, de permettre la pêche en bateau six jours par semaine, d’autant plus que la pêche à pied vient d’être interdite. Il désire aussi que sa clôture soit fixée au 22 avril, époque où se termine le Carême. De même, il veut désigner au quai un point unique où tous les bateaux pêcheurs seraient tenus de décharger leurs huîtres ; et si celles-ci sont inférieures à cinq centimètres, la taille minimale des huîtres marchandes, obligation leur est faite de les rapporter immédiatement sur le banc. Cela nécessite la présence d’un gendarme. Le préfet note de plus « l’effet désastreux de la pêche à pied qui a lieu toutes les fois qu’en raison des basses mers l’huîtrière se trouve découverte : cette pêche formellement interdite par le règlement est sans doute la raison principale de l’épuisement de l’huîtrière ». Mais il constate que « la répression est difficile car le centre de l’huîtrière est placé devant le quai même de la ville, donc les huîtres sont à portée immédiate de la population. Il conçoit qu’il soit tout de même difficile d’empêcher les gens nécessiteux de ramasser les huîtres sur la grève. Cependant la commission réclame un règlement plus strict car « ces infractions sont préjudiciables à la conservation huîtrière mais aussi aux intérêts de la population du pays pour qui l’huîtrière est une source de bien-être ». Le conseil municipal de Tréguier note en 1842 : « Nous voyons chaque année qu’à l’époque du carême l’huîtrière a presque entièrement cessé de produire. Lors de la dernière grande marée on s’est aperçu que les bancs étaient entièrement épuisés. Un membre de ce conseil a affirmé en séance qu’il avait parcouru l’huîtrière, et qu’il n’avait pu recueillir que 6 huîtres. »

En fait, les règlements ne sont pas assez précis. Ainsi, la police de Tréguier ne sait plus comment agir quand, en 1844, elle est menacée par des pêcheurs : « Sur plusieurs points se sont portés des attroupements. Des injures et des menaces ont été proférées contre les matelots des services espacés sur la grève, des pierres ont été lancées à un d’entre eux sans qu’il en ait été atteint ». D’autres plaintes sont formulées car des huîtres sont détruites du fait des pierres lancées.

Mais le vrai fléau, c’est le « pillage ». Le maire de Tréguier constate qu’il n’y a aucun respect de la part de certains habitants de sa commune qui ramassent les huîtres au-delà des limites autorisées et ne pensent pas aux conséquences que cela peut entraîner pour le banc naturel. En 1841, il estime que ces pratiques abusives non seulement élèvent outre mesure le prix des huîtres mais menacent d’en tarir la source reproductive et que « si des mesures promptes et efficaces ne sont pas prises, cela aurait pour effet certain de causer l’épuisement et peut-être la destruction entière de cette production naturelle si précieuse pour le pays ». La pêche à pied, interdite, s’est accrue au fil du siècle, vu le nombre de contraventions. La pêche en bateau qui commence normalement en décembre, s’ouvre en octobre, date à laquelle les huîtres n’ont pas atteint leur complet développement. Il n’y a pas de triage, et la taille des huîtres n’est pas toujours respectée ce qui représente un préjudice énorme pour la reproduction du coquillage.

Les parcs, sources d’abus

Le conseil municipal réuni en 1841 dénonce le fait que les jours de pêche au lieu d’être choisis parmi ceux qui pourraient être les plus favorables à la consommation locale c’est-à- dire le vendredi et le samedi, ont été désignés « le lundi et le mardi comme si l’on avait voulu par cette mesure priver la ville de l’usage des huîtres et favoriser les possesseurs de dépôts ; ainsi les huîtres sont vendues à 50 ou 60 centimes jusqu’à 1 F le cent alors qu’autrefois elles ne se payaient que 10 à 15 centimes . »

Le conseil municipal de Tréguier dénonce donc ce qui pourrait devenir « un monopole entre les mains de quelques individus » et empêcherait la pêche d’être libre. Après quelques années de fonctionnement des premiers parcs et de leur nombre croissant, les conseillers constatent en 1842, que « ces dépôts tels qu’ils sont établis, sont aux yeux du public, un témoignage d’arbitraire et d’injustice, un envahissement de la propriété publique, un privilège. C’est aussi une source d’abus par l’absence de triage, car il importe peu que les huîtres soient ou non marchandes lorsqu’elles doivent aller garnir les dépôts. » La municipalité craint donc que l’on s’achemine vers l’allotissement de l’huîtrière entre un certain nombre de privilégiés, alors qu’elle appartient à tout le monde.

Cet argument est plutôt pensé en faveur de la classe indigente pour qui l’huître est une denrée essentielle. Peu à peu, des mesures sont prises pour éviter la prolifération des parcs : à partir de 1842, le conseil municipal en autorise la création mais uniquement s’ils sont établis de manière à être écartés des grèves où se forme l’huître, et à distance convenable afin qu’ils en méritent vraiment leur nom. Ainsi, de l’avis du conseil, les parcs de M. Ollivier Le Goaster qu’il a établis à la hauteur de la Roche-Jaune, rempliraient les conditions voulues s’ils étaient faits avec les constructions d’usage parce qu’ils présentent celles d’isolement et de distance.

Enfin, en 1845, un règlement est arrêté par le ministre de la marine : deux notables de la localité sont ajoutés à la commission chargée de la visite des parcs, les dépôts dans les dragues doivent se faire avant le coucher du soleil, la dimension des huîtres marchandes doit être de quatre centimètres, et il est défendu de faire des amas d’huîtres. Des règles de plus en plus strictes sont élaborées afin de satisfaire l’intérêt général, la bonne marche de la navigation et les pêcheurs en particuliers.

Parfois ce sont les propriétaires de parcs qui ne renouvellent pas leur demande pour diverses raisons : mauvaise situation, surveillance difficile. Ainsi en 1877, un propriétaire renonce à l’agrandissement de son parc, la portion de grève qu’il occupe n’étant peu favorable à la conservation des huîtres, car les « bigorneaux perceurs » qui y abondent, ont sérieusement ravagé son approvisionnement.

Le terme de parc à huîtres n’apparaît pas toujours : quelquefois c’est celui de « caisse réservoir » qui fait usage et les dimensions sont souvent revues. Ainsi, le 8 avril 1876, Antoine Le Gonidec, cultivateur à Plourivo, est informé par décision ministérielle, que la caisse qu’il détient au lieu-dit Poul-Baudré sur la rive droite du Trieux est réduite à 1,70 m de longueur et de largeur, 1 m de hauteur. Sa redevance passe de 17 F à 10 F. Le 14 avril de la même année, les sieurs Etienne et Le Boulch de Pleudaniel sont autorisés à établir une « claire à huîtres » sur la rive gauche du Trieux entre la baie de Traou Meur et le passage de Toull an Huiled.

Les émeutes d’avril 1871

A certaines périodes, les différents règlements mis en place par les autorités municipales ou par l’Administration Maritime ne sont pas du goût de la population qui ne peut plus venir se fournir en huîtres. Plusieurs fois, des incidents éclatent opposant la population qui veut conserver son droit de pêche, aux autorités qui entendent faire régner l’ordre et éviter que le banc soit pillé.

Les émeutes d’avril 1871, sont particulièrement violentes et plusieurs fois, on frôle l’accident grave. Du 5 au 9 avril et malgré l’intervention des Autorités de la Marine, les huîtrières sont pillées, les règlements bafoués, et les Autorités menacées. Les détails des événements de ces quatre jours sont donnés dans les différents rapports dressés par l’Administrateur au Commissaire Général à Brest.

Le 5 avril, alerté par le garde maritime du pillage de l’huîtrière, il se rend avec plusieurs hommes armés, sur la grève de Tréguier où se trouvent environ 200 personnes qui l’accueillent par des cris séditieux et qui se mettent à entonner le « mourir pour la patrie ». Nullement impressionné, il s’avance seul vers le groupe et déclare : « Il ne s’agit pas ici de mourir pour la patrie, il s’agit d’huîtres à voler et non de la patrie à défendre. Nous allons vous montrer que votre nombre et vos cris ne nous intimident pas ! »

Pris au paletot par un des pilleurs, il se défend en lui envoyant un coup de poing dans la figure qui le fait tomber le dos dans la vase. Par un cri d’appel, il réunit les douaniers et tous ses agents pour essayer de faire reculer les « ravageurs », ce qui crée une certaine confusion, et finalement tout le monde se répand sur la grève. Dans la lutte qui s’en suit, l’Administrateur est repoussé à l’eau jusqu’ à la ceinture. Il se sauve en prenant le fusil d’un douanier également repoussé vers l’eau et qui n’osait s’en servir, marche baïonnette en avant, frappe de la crosse et finit par se frayer un chemin jusqu’à un gendarme de marine envoyé en secours. La foule commence alors à reculer lorsqu’un jeune homme s’élance sur l’Administrateur, le pousse pour le faire reculer jusqu’ à l’eau. Pour s’en débarrasser, il est obligé de le serrer fortement à la gorge, ce qui déclenche la colère de la foule qui se met à crier « Aux cailloux ! Aux couteaux ! » Voyant les événements prendre mauvaise tournure, l’Administrateur décide alors de se retirer ne voulant pas laisser ses agents et les gardes plus longtemps exposés.

L’affaire n’en reste pas là. Il porte plainte au Procureur de la République. Dans sa lettre, il affirme qu’il ne s’agit pas du délit de pêche frauduleuse en temps prohibé mais du crime prévu par plusieurs articles du Code Pénal. Il estime que « les bandes de pilleurs qui sont venues porter la dévastation sur les huîtrières qui font partie des propriétés publiques, ont agi avec un tel ensemble qu’ils ont obéi à un mot d’ordre, à un chef ». Ses soupçons se portent sur M. Faure, grand commerçant d’huîtres, mais qui n’est pas du pays : « Je ne puis m’empêcher de trouver étrange sa présence à Tréguier au moment des faits. C’est peut-être une malheureuse coïncidence. Cependant, il a été vu à l’Hôtel du Lion d’Or par M. le Syndic des Gens de Mer, vêtu en marin, fort peu propre, lui qui est généralement soigné dans sa toilette. Le bruit court en outre qu’il a été vu parcourant les campagnes payant à boire dans les auberges. » Ce qui est plus grave encore, c’est qu’un grand nombre de « notables de la ville, parqueurs d’huîtres en particulier ont de notoriété publique encouragé le pillage non seulement par l’achat d’huîtres dérobées, mais encore par des encouragements et des conseils séditieux. » Ainsi pour lui, il ne fait aucun doute que ce pillage a été fait par une population excitée par d’avides commerçants, et de plus, protégée par l’autorité municipale.

Le Tribunal Correctionnel de Lannion réuni le 4 juin pour juger plusieurs prévenus dont l’identité avait été relevée par les gardes maritimes, ne prononce pas de peines lourdes : 15 jours de prison à trois femmes s’étant livrées à la pêche en temps prohibé et ayant outragé par paroles et menaces des officiers, et un mois de prison à un homme « complice pour avoir transporté un sac d’huîtres pêchées par sa mère et ses sœurs contrairement aux injonctions des gardes ». Sept autres prévenus et quatre femmes sont simplement condamnés à huit jours de prison pour pêche en temps prohibé. On remarque donc le petit nombre de personnes poursuivies en comparaison du grand nombre d’émeutiers, ce qui peut s’expliquer par la difficulté à arrêter et identifier tout le monde. Par contre, il n’y a aucune condamnation de marchands d’huîtres dont la complicité n’a pu être absolument démontrée.

Si ce jugement relativement clément permet d’empêcher pendant quelque temps le pillage de l’huîtrière, il ne met pas un point final aux incidents, un dernier se produisant en août, mettant aux prises cette fois, la municipalité, les autorités maritimes et le préfet. Celui-ci avait eu la malencontreuse idée de faire appel au concours du maire de Tréguier pour faire cesser les pillages. De ce fait, il s’est attiré une réponse cinglante, et à travers lui, c’est l’Administration Maritime qui est directement visée : « Il serait désirable dans l’intérêt de tous, de voir un accord se faire entre l’Administration Maritime et l’Administration Municipale, mais la Marine très jalouse de ses prérogatives ne permet pas que l’Administration Municipale s’immisce dans la réglementation de la pêche des huîtres. La Marine après avoir fait des règlements sans la participation des autorités municipales des communes riveraines ne peut les faire respecter. »

Pour ajouter aux malheurs de l’Administration Maritime, on a remarqué l’absence pendant
les quatre jours de pillage de la péniche de la Marine, L’Eveil, justement chargée de la surveillance dans le Jaudy. Curieusement, elle avait appareillé pour se rendre dans la rivière voisine du Trieux.

Cela vaut une enquête interne sérieuse dont est chargé le Lieutenant de Vaisseau Saint-Yves, du Moustique, cotre de la Marine. Finalement, il n’y a eu aucune complicité de ce côté : « Le Premier Maître Macé mérite des reproches pour avoir quitté Tréguier mal à propos, et pour être resté trop longtemps absent. Mais il est à l’abri d’une accusation de connivence coupable avec les auteurs du pillage. »

Toute cette affaire ne représente uniquement qu’un différend entre les habitants de Tréguier et l’Administration maritime à propos d’une réglementation de la pêche aux huîtres. Pour autant, l’honneur de la Marine reste sauf. Mais, tout cela a jeté un doute sur la valeur des règlements et leur application, la population ayant un sentiment d’injustice de devoir se priver d’un produit si abondant et si nécessaire en ces temps de misère et de révolution. En fait, les Trégorrois ne comprennent pas qu’on ne puisse pas pêcher librement les huîtres alors qu’à quelques kilomètres de là sur le littoral, suivant l’usage commun, on peut se servir largement en coquillages... Pour que la population comprenne cela, il lui faut la preuve de l’épuisement du gisement situé dans la rivière, espace qu’elle s’est appropriée symboliquement. D’ailleurs, ne pêche t-on pas à « basse mer », et n’utilise t-on pas le terme de « grève » pour désigner le lieu de cueillette des huîtres dans le Jaudy et le Guindy, grève qui à l’origine est le territoire des pauvres, détenteurs d’un « droit de prédation coutumier » ?

La pêche à pied interdite puis autorisée

C’est officiellement par le règlement de 1827 que la pêche à pied est interdite dans le Jaudy et le Trieux, car nuisible au bon état des huîtrières. La population s’approvisionne alors grâce aux dragages faits par les bateaux de pêcheurs. Mais certains habitants des communes concernées n’hésitent pas à venir piller l’huîtrière pendant les périodes de basses eaux. Le siècle passant, la réglementation évolue et devant le nombre croissant de ces pillages, on réintroduit l’autorisation de pêche à pied pendant une journée par an pour satisfaire la population. Ainsi, en 1876, la pêche est autorisée pendant la journée du 28 février. Ce jour-là, dans la rivière de Tréguier, on comptait 1 500 pêcheurs à pied qui ont recueilli sur la partie des bancs que la mer découvrait, 150 800 huîtres, soit en moyenne une centaine par personne, alors que dans le Trieux, 300 pêcheurs ont pris à la main 7 500 huîtres, soit quatre fois moins. Ces résultats ne sont pas étonnants, la situation de ces pêcheurs à pied devenant précaire, et la centaine d’huîtres est désormais le maximum qu’ils peuvent espérer d’une journée. L’Administrateur maritime se rend bien compte que la meilleure solution, c’est l’interdiction de la cueillette : « La réserve a été facilement sauvegardée. Ni bateaux, ni piétons n’ont tenté de l’envahir. La mer ayant moins descendue que de coutume par suite de la direction du vent, n’a pas laissé grand accès aux pêcheurs à pied et a été la meilleure barrière qu’on peut leur opposer. Quelques mécontentements ont été formulés à ce sujet. »

Deux ans après, entre le Jaudy et le Trieux, on compte 5 000 pêcheurs à pied ! Le Journal de Tréguier rapporte que « de nombreux étrangers viennent de tous les points du département admirer le coup d’oeil charmant et animé que présente le port avec ses nombreux bateaux draguant dans la rivière et la fourmilière de pêcheurs à pied, de toutes catégories et de toutes classes se livrant à la recherche de ce précieux mollusque. »

En 1882, on compte encore 4 000 pêcheurs à pied, mais leur nombre tend à diminuer par la suite car l’huîtrière n’a pas toujours le temps de se refaire, ce que le Journal de Tréguier ne manque pas de souligner : « La reproduction de l’huître s’est arrêtée. Les petites huîtres et les huîtres dont la coquille est couverte de naissain étaient en fort petit nombre. C’est là un symptôme fâcheux pour l’avenir de l’huîtrière dont la production semble destinée à subir une prochaine et importante diminution. » L’Administrateur est du même avis. Il confirme que les chances d’avenir du banc seraient magnifiques si on pouvait réprimer efficacement les abus de la pêche à pied, pêche destructible surtout du fait du nombre incalculable de naissains détruits par les pêcheurs.

Cependant, il faut croire qu’il y a de mauvaises et de bonnes années car pour 1884, on annonce le chiffre de 8 000 pêcheurs à pied rien qu’à Tréguier. Un dessin de Faudacq paru dans la revue Le Yacht de 1888 illustre l’une de ces journées : entre les quais où se trouvent amarrés plusieurs caboteurs voiliers et vapeurs, et le bas de l’eau, on aperçoit une marée humaine assez impressionnante, et on devine autant de monde sur l’autre rive. Le fait même qu’un dessin ait paru dans une revue nationale montre que la réputation du banc de Tréguier dépasse largement les limites de la région. Cette année-là, le Journal de Tréguier note que, malgré un froid excessivement vif, la pêche avait attiré une grande affiuence d’étrangers, et une récolte totale évaluée à 5 millions d’huîtres.

Bientôt, on limite dans le temps la pêche tant à pied qu’en bateau. Jusqu’en 1891, le nombre de pêcheurs à pied oscille entre 2 et 3 000. Puis, la cueillette reste absolument interdite quelques années de suite. Mais en 1907, elle est de nouveau autorisée pendant la journée du 14 mars de 11 heures à 13 h 30 seulement. Le règlement précise cependant qu’elle doit se faire dans la partie de l’huîtrière de Tréguier « comprise entre les limites fixées par une ligne traversant perpendiculairement la rivière à la hauteur du chemin des buttes d’une part, et une ligne traversant la rivière à hauteur du four à chaux d’autre part. » L’article 2 de cet arrêté stipule qu’il est « Interdit aux pêcheurs à pied d’employer aucun filet ou instrument quelconque. » Comme on peut le voir, les lois concernant la pêche à pied restent très strictes par peur du saccage de l’huîtrière par les pêcheurs. C’est la pêche en bateau qui demeure la plus autorisée, et que les autorités estiment la moins dangereuse pour le gisement.

Pour 1907, le journal signale que la pêche à pied fut bonne. L’année suivante, il annonce son interdiction. Elle est de nouveau autorisée en 1910. En 1912, alors qu’elle est autorisée exceptionnellement, elle est considérée comme médiocre, la mer n’ayant pas beaucoup descendue.

La pêche en bateau : la ruée vers un gisement très convoité

Le nombre de bateaux utilisés en 1826 pour la drague des huîtres n’est que de 4. Mais, il augmente considérablement par la suite : 40 en 1857, 400 en 1871, et 533 en 1879, maximum jamais atteint. En effet, après cela, il retombe progressivement jusqu’en 1895 où il s’est stabilisé aux alentours de 200.

Le nombre d’hommes par bateau reste de 4 en moyenne : deux ou trois solides matelots à souquer ferme sur les avirons, et le patron à l’arrière qui gouverne et tient la drague. C’est un spectacle haut en couleurs qui attire un grand nombre de curieux : « Il faut voir l’agitation de cette nombreuse flottille, ces rameurs courbés sur les lourds avirons, l’attention du marin indiquant la direction de l’embarcation, et attirant à lui après un certain parcours, la drague plus ou moins remplie. »

à la drague à main photo Etienne Bouillé AD 22

L’augmentation considérable du nombre de bateaux à partir de 1857 peut s’expliquer par le gain annuel nettement supérieur à celui de la pêche à pied. En effet, les chiffres des années 1870 à 1895 permettent de fixer le gain moyen annuel à 20 F pour les dragueurs et à 2, 20 F pour les pêcheurs à pied.

Comme pour la pêche à pied, le dragage est parfois interdit. Ainsi entre 1880 et 1895, il n’a guère lieu qu’une année sur deux en moyenne. De même, la durée de pêche est progressivement diminuée et n’excède jamais deux heures.

Pour le dragage, le règlement s’est fait également plus strict et plus clair. En 1842, différentes mesures sont prises car un banc naturel se forme dans le Trieux entre les communes de Plourivo et Ploudaniel. Comme il est exploité en toute saison, sans autorisation, ceci porte préjudice non seulement au pays mais également aux pêcheurs qui sont privés d’une ressource à venir. La pêche est temporairement interdite jusqu’à ce que la visite d’une commission détermine l’époque de la drague et le nombre de bateaux admis en même temps. En 1860, le règlement est bien fixé, et pour cette année-là, l’exploitation de l’huître dite de Toull an Huiled est autorisée depuis la pointe de Gollu jusqu’à la pointe sud de Min Guen à partir du 22 février jusqu’au 10 avril, le nombre de bateaux étant fixé à vingt, et chacun ne pêchant que deux fois par semaine, le lundi et le mercredi.

En 1848, un bilan de l’état des bancs est établi par le quartier maritme de Paimpol : « L’huîtrière de Toull an Huiled dont la reproduction n’a jamais manqué, donne des huîtres à peu près d’égales dimensions mais qui restent beaucoup en dessous de la grandeur de celles qui se consomment à Paris sous la dénomination de marchandes, les meilleures n’entrent dans la consommation de la capitale que comme bonnes moyennes, transportées dans des parcs qui ne sont alimentés que par eau de mer vive, elles ont généralement vite dépéries, ce qui fait croire qu’un mélange d’eau douce serait nécessaire à leur espèce. » Ce banc est en état de prospérité croissante pour l’avenir tout comme le banc de Tréguier. La reproduction se maintient grâce aux réserves tandis que « les huîtres nourrices ont considérablement diminué sur le banc en raison du grand nombre de bateaux dragueurs et des pêcheurs à pied qui l’exploitent. »

A Tréguier, en 1860, la pêche des huîtres est autorisée dans la rivière du Jaudy depuis Beg Mez Even jusqu’à la pointe dite de Saint-Yves et dans la rivière du Guindy depuis son embouchure jusqu’au pont Saint-François. Elle commence le 22 février jusqu’au 10 avril. Le nombre de bateaux ne doit pas excéder quatre-vingt, et ils sont divisés en deux séries pêchant alternativement le mardi, mercredi, jeudi et vendredi. Ils doivent tous appartenir au sous-quartier de Tréguier. Le commissaire de l’inscription maritime à Paimpol détermine les lieux où se font le triage et le débarquement des huîtres, et veille à ce que les huîtres de dimensions non réglementaires soient rejetées sur les bancs où elles ont été pêchées.

Au début du XXè siècle, la pêche en bateau n’est autorisée que deux jours par semaine. Ainsi, en 1907, on peut pêcher « le 14 mars de 8 h à 11 h le matin sur toute l’étendue de l’huîtrière, c’est-à-dire dans le Guindy et le Jaudy, depuis la rivière de Pouldouran jusqu’au four à chaux, le 25 octobre de 7 h 30 à 10 h et le 26 de 8 h à 11 h dans le Jaudy. »

Trois « mesures » par bateau, en moyenne

La quantité des huîtres pêchées par chaque bateau dragueur est exprimée par une « mesure » d’une contenance d’environ 1 275 huîtres, au maximum. Chaque bateau rapporte trois mesures dans les années moyennes. Ainsi en mars 1877, les 411 bateaux (97 de Paimpol et 314 de Tréguier) ramènent en tout 1 233 mesures soit plus d’ l, 5 million d’huîtres. Cette année-là, le prix de la mesure est de 15 F. Mais en 1882, chaque bateau ne ramène en moyenne que deux mesures, et comme la mesure ne s’est vendue que 12 F pour les huîtres non triées et de 15 F triées, certains pêcheurs ont préféré vendre leurs huîtres aux cent. Deux ans après, les bateaux qui ne sont plus que 270 ramènent chacun quatre mesures qui valent toujours 15 F, pour un total de 1, 4 million d’huîtres. En 1894, chaque bateau rapporte environ 3 mesures valant de 14 à 18 F chacune. En 1895, les bateaux ramènent entre 3 et 4 mesures valant seulement 12 à 15 F, tendance à la baisse confirmée par les mauvais résultats de 1899 que publie le Journal de Tréguier : « La mesure tirée soit environ mille huîtres était payée par les parqueurs 4 et 5 F. Les marins étaient navrés. La pêche aux huîtres devient de moins en moins rémunératrice. » En 1905, les cours remontent un peu, à 7 ou 8 F maximum la mesure, cours qui se maintient jusqu’ en 1908, qui voit 3 à 4 mesures par bateau à 6 ou 7 F chacune.

Destination de la pêche

Le tableau des différentes pêches montre qu’il y a des années fastes mais une nette diminution du rendement peut souvent arriver. Pour la pêche à pied, on sait qu’il faut que la mer déchalle bien pour atteindre les bancs, mais pour la drague, il n’y a pas toujours d’explication à part les éventuels pillages, la surexploitation ou le mauvais temps. Parfois, c’est dû à un événement particulier, comme par exemple la date tardive de la pêche du 21 mars 1882 à Tréguier qui a écarté certains inscrits : « Le nombre d’huîtres est inférieur cette année mais on n’a pas dragué dans le Guindy, les dragueurs habituels de l’huîtrière de Saint-François ayant déjà quitté le port pour la pêche d’Islande. » En 1902, on suppose que c’est la pêche exceptionnelle du mois de décembre précédent qui a nui à celle de mars.

Le produit de la pêche est essentiellement destiné aux parcs du quartier, mais très peu à la consommation locale et environnante. On note également des exportations vers l’Angleterre et des expéditions en Bretagne. Des plaintes ont d’ailleurs été formulées à différentes époques contre ces dépôts d’huîtres sur les quais en attente de la livraison, de même que la population se plaint que la vente de ces huîtres soit plus avantageuse pour les étrangers.

Le commerce des huîtres a été languissant à Tréguier en 1848 : « Aucun chargement par mer n’a été effectué, 750 milliers d’huîtres seulement ont été livrées à la consommation aux environs de Tréguier, à raison de huit francs le mille, on n’en trouve aujourd’hui qu’à six francs. Cette baisse des prix doit être attribuée à un défaut de consommation. Quant aux dragueurs, ils ont livré leurs huîtres aux parqueurs à raison d’ 1, 50 F le mille tandis que les années passées le prix moyen était de trois francs ; ils ont vendu aux marchands forains de Lannion, Guingamp, Lanvollon et Portrieux environ trois mille huîtres à raison de 7,50 F le mille. »

Dans sa « Notice sur le port de Tréguier » de 1875, l’Ingénieur des Ponts et Chaussées Jourjon signale que « outre le commerce de la petite huître qui s’expédie vivante, on faisait autrefois le commerce de la grande huître ou pied de cheval qui s’expédiait cuite en dehors de son écaille. »

En mars 1877, sur les 2 millions d’huîtres pêchées, 1,6million sont achetées par les parqueurs du quartier, 72 000 huîtres sont expédiées sur Brest, 240 000 sur Lorient, et seulement 9 000 ont été réservées à la consommation locale. Celle-ci n’est pas toujours aussi faible (100 000 en 1882), mais dépasse rarement ce pourcentage de 5%. Les expéditions en France ont certes lieu vers les grandes villes comme Paris, Brest, Lorient, ou Concarneau mais elles concernent tous les centres ostréicoles qui les achètent dans le but de les parquer ou de reconstituer un banc : Locquénolé et la baie de Morlaix, la baie de Cancale, et aussi la Tremblade en Charente Maritime (900 000 huîtres en 1879). Toutes ces expéditions sont faites par bateaux, comme on peut le voir dans les sorties du port, ainsi que dans cet abordage relaté par le Journal de Tréguier du 1er février 1896 : « Le sloop Marie Reine du Ciel, allant de Tréguier à Forêt (la Forêt-Fouesnant), avec un chargement d’huîtres a été abordé à hauteur de l’île Vierge (Finistère) par un vapeur anglais. Le sloop bien qu’ayant éprouvé de sérieuses avaries, a pu regagner Tréguier. »

Des règlements de plus en plus lourds

Le 13 mars 1832, 17 pêcheurs demandent de pouvoir étendre leur temps de pêche jusqu’à Pâques. La municipalité signale alors au Préfet la résistance des pêcheurs à ses ordres salutaires avec comme preuve les attroupements au caractère hostile qui se font journellement sur les quais ainsi que les infractions aux règles de l’huîtrière. Il faut dire que les pêcheurs n’ont droit qu’à deux jours par semaine, et que la clôture se fait au 1er avril. C’est pour ces raisons aussi que certains inscrits décident de s’établir marchands et de créer des parcs.

En 1878, la pêche tant à pied qu’en bateau est autorisée dans la rivière de Tréguier pendant la journée du 10 mars seulement alors que toute pêche est interdite dans le Trieux. Cependant le nombre des bateaux n’est pas limité, et si leur nombre est assez considérable au risque de se nuire réciproquement en draguant tous à la fois, ils sont partagés en séries. Ils ne proviennent pas tous de Tréguier. Ainsi en 1882, sur les 402 présents, 249 étaient de Tréguier, 37 de Port­Blanc, 21 de Pleubian, 95 de Paimpol et Lannion. Mais ils ne peuvent pêcher qu’à l’aviron.

Les Autorités Maritimes locales mettent aussi l’accent sur deux articles que les pêcheurs doivent respecter impérativement, outre le poids de la drague limité à 10 kilos et la taille des huîtres fixée à 5 cm minimum. Le premier, l’article 7, stipule qu’ “un signal annoncera la clôture de la pêche à la drague ; les bateaux devront alors rallier les points qui seront désignés pour la visite par les Autorités. Ils ne pourront disposer avant cette visite du produit de leur pêche. » Le deuxième, l’article 8, interdit expressément aux « bateaux acheteurs d’huîtres de se trouver sur le passage des bateaux dragueurs, tant que ces derniers n’auront pas été soumis à la visite du produit de leur pêche. Ils se trouveront en aval de la pointe de Beg-Mez-Even. »

On sent bien la volonté des Autorités d’éviter toute fraude pendant et après la pêche, car même les parqueurs sont tenus de refuser les huîtres qui ne font pas les 5 cm exigés, et de refaire un nouveau triage.

Deux femmes par bateau

Suivant les années et pour ne pas menacer le gisement huîtrier, on fixe d’autres limites et d’autres périodes pour pêcher. Au début du XXè siècle, seuls les navires borneurs et caboteurs immatriculés au quartier et présents à Tréguier ainsi que les bateaux de pêche jaugeant au moins 7 tonneaux, sont autorisés à draguer avec une annexe qui ne sera montée que par des hommes figurants au rôle du bateau principal. Tout bateau qui n’aura pas armé pendant trois mois au moins à la pêche et au bornage depuis le dragage précédent ne pourra prendre part à la pêche des huîtres. Tout inscrit qui n’aura pas figuré sur un rôle pendant la même durée ne pourra pas être embarqué, exception faite en faveur des inscrits demi-soldiers ou retraités des équipages de la flotte.

Deux femmes au maximum peuvent être embarquées dans chaque bateau pour faciliter le triage. Mais, elles doivent se borner à ne faire que cela, et il leur est interdit de tenir l’aviron ou la drague. L’article concernant la taille des huîtres est maintenu. Par contre, les bateaux dragueurs sont tenus de conserver à bord des fragments d’écaille, poussiers, graviers et autres détritus ramenés par la drague, alors qu’en 1879, les coquilles, pierres et autres objets propres à devenir collecteurs devaient, immédiatement après chaque coup de drague, être rejetés sur les bancs.

Visite et ensemencement des bancs

Chaque année, avant d’autoriser la pêche, l’Administrateur de Tréguier fait une visite préalable des bancs avec dragage pour en estimer la qualité et la quantité, mais aussi pour ensemencer les deux réserves du Jaudy et du Trieux, une operation autorisée par le ministre. Ainsi, en quatre journées de mars 1876, il fait draguer 75 000 huîtres sur la réserve du Trieux, dont la plupart sont de taille marchande : « Tous ces coquillages sont de belles apparences et en voie de développement. Le fond de la réserve est propre et riche en huîtres de récente production. Le 27 mars, les équipages de bateaux loués ont procédé au moment du bas de l’eau et pendant une demi-journée à l’enlèvement à la main des huîtres et du naissain ayant pris naissance dans les anciens parcs bordant la réserve, soit mille huîtres et d’assez nombreux naissains qui, s’ils étaient restés sur cette portion auraient pu être soustraits par les maraudeurs à pied. L’opération s’est terminée par le rejet sur l’huîtrière et dans le lit de la rivière de ces huîtres. »

Suivant les résultats obtenus, soit de la visite soit de la pêche, l’Administrateur autorise ou pas la pêche dans ces rivières pour l’année. Cette décision d’interdiction de pêche se fait avec en relation avec les pêcheurs. Ainsi en 1877 pour le Jaudy, il note : « Diminution sensible du produit pêché. Les pêcheurs et les habitants de Tréguier estiment qu’il conviendrait de laisser l’an prochain les huîtrières en repos un an. » Le 13 avril 1882, il loue huit bateaux du quartier pour draguer des huîtres dans le parc de la réserve près du pont Canada. Elles sont semées dans « l’huîtrière dévastée par la pêche du 21 mars » afin de la repeupler, opération faite sous la surveillance du commandant du Canard.

Les bancs de la « Mer Territoriale » sont également explorés. Contrairement aux huîtrières des rivières, ils sont généralement moins productifs. Pourtant l’Administrateur en autorise le dragage, estimant que « cela, en ayant pour effet de les labourer et de les nettoyer, ne peut que faciliter la reproduction au cas ou le frai s’y porterait dans un avenir prochain. »

Fraude

Malgré la surveillance exercée par les Autorités Maritimes tout au long de l’année, des fraudes ont lieu, principalement des coups de dragues opérés hors des périodes autorisées, par des pêcheurs peu scrupuleux qui réussissent toujours à trouver quelque excuse tant que le flagrant délit n’a pu être établi. L’Administrateur en est conscient, c’est pourquoi il demande à ses subordonnés d’exercer des rondes, des inspections des matériels détenus à bord des bateaux, et des enquêtes, sans toutefois trop froisser la susceptibilité de chacun. Le syndic des gens de mer, les gendarmes maritimes ainsi que les gardes veillent particulièrement sur les réserves. Mais comment empêcher complètement le pillage car il est difficile d’être partout à la fois ? Lorsqu’il y a un doute, il faut procéder à une enquête approfondie qui n’est pas toujours sûre d’aboutir. Qui croire ? Le pêcheur ou le garde ?

Ainsi le 5 mai 1876, l’Administrateur est obligé de transmettre au Procureur de la République à Lannion les déclarations du garde de l’huîtrière du Trieux qui met en cause deux pêcheurs. Le Procureur demande une confrontation, ce qu’il fait : « J’ai confronté le Garde Maritime Le Huitellec avec le délinquant Séguillon Jean-Pierre, patron de la Marie-Perrine et son frère Félix, patron de la gabare Niel. Le garde a persisté à déclarer avoir parfaitement reconnu à l’aide de la longue­ vue draguant sur la réserve huîtrière les deux marins ainsi que l’embarcation qu’ils montaient, laquelle était à clins. Un seul bateau à clins existe sur les lieux et il appartient à Séguillon Jean-Pierre. La présence de cette embarcation sur l’huîtrière tend donc à confirmer la véracité de la déclaration du garde. Les fraudeurs n’ont pas contesté que le garde ait pu facilement reconnaître leur embarcation mais ils persistent à nier qu’ils y étaient embarqués dans la nuit du 6 au 7 mars, ajoutant qu’il n’y aurait rien eu de surprenant à ce qu’on s’en fut servi dans cette nuit, à leur insu pour dérober des huîtres. » De plus, les deux hommes affirment qu’ils n’étaient pas en bateau cette nuit-là, alibi confirmé par leurs proches. Devant l’absence de preuves formelles, l’Administrateur ne peut dresser procès-verbal. Il ne peut que regretter la situation, mais le doute existe : « L’huîtrière est fréquemment et impunément pillée faute de surveillance assez efficace. Il importe de ne pas laisser l’occasion de sévir contre ceux que l’on parvient non sans beaucoup de peine à surprendre en flagrant délit de fraude. »

C’est surtout la nuit que les huîtrières sont pillées, mais établir un flagrant délit dans l’obscurité n’est pas chose facile. Il faudrait plus de crédits pour avoir plus de gardes, et aussi pour les loger convenablement. Ces pillages ne sont pas sans conséquence sur les quantités extraites lors des jours de pêche autorisée, et l’Administrateur n’hésite pas à l’écrire au Commissaire Général à Brest suite au mauvais résultat de mars 1877 dans le Trieux : « La différence en moins doit être attribuée aux fréquents enlèvements qui ont été clandestinement opérés cet hiver tant sur l’huîtrière que sur la réserve par les pêcheurs riverains. »

Mais à l’inverse, lorsque la pêche est en progression, comme en 1879, l’Administrateur l’attribue bien sûr au bon travail de ses subordonnés chargés de la police le jour même de la pêche et tout au long de l’année : « Grâce à leur zèle infatigable, ils sont parvenus à écarter toute tentative de fraude. » Tous ces hommes méritent d’être encouragés, de même que le capitaine du cotre Le Canard, chargé de la surveillance le jour même de la pêche : « Il est de mon devoir de proposer qu’il soit accordé au Premier Maître Furet, un témoignage officiel de satisfaction pour le zèle qu’il apporte dans le service délicat qui lui est confié, et des gratifications qui pourraient être prélevées sur les fonds du Chapitre XIV (Ostréiculture) aux agents ci-dessus : Gallien, syndic ; Tarquis, gendarme ; Raoul et Dauphin, gardes. Ces récompenses seraient pour eux un véritable encouragement et en même temps une sorte de dédommagement pour la fatigue qu’ils ont endurée pendant les nuits si rigoureuses du dernier hiver ».

Comme les mauvais résultats persistent dans le Trieux, l’Administrateur propose une tout autre solution en 1880 : « Si l’on veut prévenir la ruine de cette huîtrière, et il n’en est que temps, il me paraît absolument urgent de placer à Toull an Huiled un poste flottant comme cela existe en certains points de la rivière de Quimper. »

Production en baisse, prix en hausse

L’examen des différents résultats de la production totale annuelle de 1857 à 1895 montre une baisse régulière et dangereuse qui prouve qu’à long terme, le gisement tend à se dépeupler irrémédiablement malgré des années d’interdiction totale de pêche ou de réduction du temps de pêche. Du coup, la rareté du produit favorise « l’énormité du prix ». Ainsi, en 1857 où 8 millions d’huîtres ont été pêchées, le millier ne vaut qu’à peine 1 F. En 1894 où seulement 1 million d’huîtres ont été pêchées, le millier vaut désormais plus de 35 F, soit 8 fois moins d’huîtres mais qui sont 35 fois plus chères. C’est la loi normale de l’offre et de la demande, pourrait-on dire. Mais pour que le produit revienne en abondance et que les prix baissent, il faut augmenter la production, comme ont su le faire les Morbihanais qui ont plus que triplé leur production et qui vendent leurs « huîtres armoricaines » affinées dans des parcs sur le littoral, à près de 90 F le millier.

Vers 1875, à Tréguier, pour mettre fin à cette décadence, on souhaite une loi pour interdire de « vendre, exposer ou avoir en sa possession des huîtres du 1er mai ou 31 août ». On peut lire aussi comme autre solution, celle d’établir des « huîtrières sur notre côte » ou encore : « Tous les pêcheurs devraient posséder leur parc ».

Mais le virage vers le métier de pêcheur-producteur ne s’est pas fait, et malgré les efforts vus en certaines périodes, les huîtrières du Trieux et du Jaudy vont inexorablement vers le déclassement au début du XXè siècle.

Huîtrière déclassée

Jusqu’à la première guerre mondiale, les règlements sont pratiquement identiques d’une année sur l’autre, seule la pêche à pied dans le Jaudy étant susceptible de certaines modifications comme en 1911 où elle n’est pas évoquée dans les règlements, et en 1913 où elle est absolument interdite toute l’année et sur toute l’étendue de l’huîtrière. Dans le Trieux, la situation est totalement différente, car l’huîtrière est déclassée en 1910.

A Tréguier, en 1918, on autorise deux journées de drague, mais cela n’est possible que suite à une visite préliminaire. « Le nombre et la qualité des huîtres ramenées à chaque coup de drague ont démontré que l’huîtrière était en pleine prospérité », dit le Journal de Tréguier qui une semaine avant prévoit une pêche fructueuse et un grand nombre d’acheteurs et de parqueurs.

En 1929, le conseil municipal de Tréguier demande le déclassement d’une partie de l’huîtrière, entre le pont Canada et le pont de chemin de fer « car le maintien de cette réserve insignifiante empêche la circulation et la pêche à pied sur toute l’étendue de la rivière. » Le sous-secrétaire d’état au ministère des travaux publics refuse le déclassement car après examen, il estime que l’existence de ce banc n’est susceptible d’apporter aucune entrave à la circulation sur le Jaudy.

Par contre, il rappelle que la pêche à pied y est effectivement interdite et pour la protection même du gisement coquillier. Il est bien conscient que cela lèse quelques intérêts particuliers « mais ceux-ci doivent s’effacer devant l’intérêt général. Le déclassement demandé risquerait de tarir rapidement une source de profits très appréciable pour les pêcheurs de profession ; l’heure serait donc des plus inopportunes pour prononcer le déclassement d’un banc naturel en productivité, au moment même où l’ostréiculture subit une crise générale ».

Finalement, le déclassement de l’huîtrière est effectif en 1930. 

Éloge de la pêche aux huîtres

Pour clore cette étude, relisons deux articles du Journal de Tréguier des années 1880, de véritables reportages sur la pêche aux huîtres qui font à la fois l’éloge de cette pêche, et celle de l’huître de Tréguier. Ils retracent avec exactitude l’ambiance qui règne lors de cette journée particulière, et l’un d’eux relate même une pratique curieuse qui n’apparaît pas dans les documents officiels, la « foire au panier ».

Une fête (3 avril 1880)

« La pêche aux huîtres est devenue une fête pour Tréguier. On y vient de partout et nous entendions encore lundi dernier nombre de personnes s’extasier sur la curiosité de ce spectacle unique en son genre.

Qu’on se figure en effet 400 bateaux environ parqués dans un espace relativement limité allant venant s’entrechoquant d’ici, de-là, des marins souquant sur la plume, lançant à droite et à gauche aux malheureux qui n’ont pu ramasser encore dans leurs dragues que quelques cailloux en guise d’huîtres, certains de ces lazzis qui font rire ceux qui les entendent, et l’on se fera une idée de cette course singulière qui en simulant des régates, en diffère cependant en bien des points de vue.

Ici, en effet, ce n’est pas à celui qui atteint le premier le but qu’appartient la victoire ni aux marins les plus vigoureux l’honneur de remporter le premier prix. Il en est de la pêche comme de la chasse : certaines parties de la rivière sont selon leur position et la nature des courants plus appropriés que d’autres à la reproduction et à la conservation de l’huîtrière ; de même que tel terrain présentera au gibier un refuge et un moyen d’alimentation qu’il chercherait en vain dans celui qui l’avoisine. A présent au pêcheur et au chasseur de choisir et de faire preuve de discernement : l’un reviendra les mains pleines, l’autre se retirera bredouille.

Aujourd’hui, il serait impossible de compter les dupes et le jour de la pêche, il y en a eu beaucoup : les pêcheurs n’ont pas réalisé le gain qu’ils attendaient. Les consommateurs ont dû se faire à l’idée d’attendre au moins deux ans avant de pouvoir déguster à nouveau le précieux coquillage en son état naturel, le meilleur sans conteste. Nous les plaignons tous, mais surtout les premiers.

La canonnière Le Crocodile, commandé par M. Dupuis, Capitaine de Frégate, surveillait la pêche et nous le remercions de l’accueil gracieux qu’il a bien voulu faire aux visiteurs de son bateau. »

Canonnière Photo Etienne Bouillé AD 22

Tréguier, le pays des huîtres (25 mars 1882)

Un spectacle unique

« J’ai invité mon ami cette année pour la pêche. Nous sommes descendus sur les quais à des heures matinales. Ce n’était que transports. Le soleil chassant les brumes et caressant la mer tranquille ; cette arène que surveille au fond le Questellic, une oasis sur un rocher et que termine à l’autre extrémité le vieux pont de Canada, gardien des réserves nationales ; le coup de canon de 6 h 30 ouvrant la pêche à marée haute ; le mouvement de toutes ces embarcations, goémoniers, pêcheurs plus modestes, yoles de l’Etat passant comme des sylphes et surveillant la manœuvre.

Il a fallu lui expliquer le système tout entier de la pêche ; la reproduction naturelle et lente de l’huîtrière, la nécessité de respecter la formation tranquille de cette richesse, la surveillance de l’Etat, la brèche permise et faite tout d’un coup en un jour désigné ; ce morceau du capital, acquis par le commerce, enfermé dans les parcs et livré peu à peu à la consommation. Puis la façon de pêcher, la drague, un filet en forme de poche adapté à un racloir qu’on promène sur les fonds huîtriers.

Et ce n’est pas sans fierté, pas plus que sans malice, que j’ai promené mon ami dans ce coin de monde choisi, respirant la simplicité élégante des éducations privilégiées, hospitalier, la main tendue, gai comme le soleil, gai comme le paysage animé comme une ruche, grisé par les âcretés de l’air et des eaux qui sont la morphine de l’esprit ; un coin de monde où l’on s’amuse.

Et quand mon ami s’est assis à ma table, à l’heure du déjeuner, en face d’un immense plat d’huîtres, quand je lui ai versé le premier doigt de Sauterne dans un verre irisé, il a ouvert et a absorbé lentement un coquillage, a brumé doucement son vin, m’a regardé, l’œil presque humide, et m’a serré la main en me disant : « Merci ! »

Trésor commun

Après un bon déjeuner, j’ai mené l’ami l’estomac heureux et le chapeau sur l’oreille voir la pêche à pied. Pendant que nous déjeunions, la mer s’était retirée, flottille à sec, un peu partout, abandonnée, laissant pendre tristement ses filets. Sur un fond gris, une foule innombrable grouillait, avide de gain, redoutant le plus petit moment perdu. Le soleil refusait à cette foule les ardeurs d’une belle après-dînée : et mon ami, le cigare triomphant, voulait s’ouvrir le cœur et me disait tout bas : « Que c’est beau ! »

« Que c’est beau ce principe fraternel au nom duquel ce capital est à tous ; au nom duquel chacun vient puiser au trésor commun, à la réserve commune, un revenu qui n’est limité que par le temps ! A notre époque de fièvre et d’égoïsme, qu’il est doux de voir survivre ces traditions d’un autre âge ! »

Et son regard passant de la fourmilière aux promeneurs, de la foule grise à l’oisive élégance, il éprouvait le besoin de se plonger dans cet élément nouveau, se grisant ici et là de toilettes exquises, là d’un minois charmant, plus loin d’une femme ayant la ligne, s’arrêtant un peu partout présenté par moi, parlant de Tréguier, de la pêche et de tout le monde, dans une éblouissante fantaisie. La pêche à pied prenant fin, le moment fut venu de spéculer de ses résultats.

La foire au panier

C’est une erreur assez répandue que l’achat dit d’occasion. Dans l’espèce, l’erreur consiste à acheter à forfait un panier d’huîtres dans lequel il y a relativement peu d’huîtres, plus cher en valeur utile que si l’on achetait chez le marchand.

Je me permets d’exprimer cette opinion qui je l’espère ne guérira personne. Car c’est si pittoresque, si spécial comme couleur que cette foire au hasard du panier. C’est une foire réellement située au coin du quai. C’est le flux des ramasseurs de la grève qui vient à la rencontre des uniformes mondains. Ce sont deux flux se mélangeant, fraternisant dans une confusion de groupes et d’attitudes : une pêcheuse courbée sous son gain à réaliser, entourée de jeunes gens, la plaisanterie aux lèvres ; un couple enharnaché marchandant dur avec un pêcheur ; un appel ; un dédaigneux merci ; des familles entières supputant de l’œil et calculant leurs ressources ; des acheteurs hardis ; des vendeurs à genoux faisant des tas ; des allées et venues d’oisifs gouailleurs, d’indifférents, d’habitants qui feront bien par y aller de leur petite bêtise.

Enfin, tout est bien qui finit bien. Mon ami Jacques, allons reconduire les amis, fermer les portières de voitures, serrer quelques mains finement gantées, échanger de nombreux adieux.

Et si l’estomac n’a pas chez vous entièrement étouffé la poésie, nous irons voir la rade qui commence à être déserte, et jeter un coup d’œil à l’aviso Elan, à la canonnière Le Crocodile dont les canons dorment et se taisent sous la garde de nos braves marins. »

Plus loin, dans un autre article du même Journal de Tréguier, on peut lire les résultats officiels de la pêche :

« La pêche aux huîtres avait attiré dans notre ville une grande quantité d’étrangers. Le temps, beau le matin à l’ouverture de la pêche, s’est assombri vers 9 heures et quelques grains sont venus, à différents intervalles, jeter une ombre sur le charmant tableau que présentaient nos quais.

Voici les renseignements que nous nous sommes procurés pour le résultat de la journée du 21 mars. 402 bateaux s’étaient fait inscrire pour la drague. Tréguier en fournissait 249, Port-Blanc 37 ; Pleubian 27 ; Paimpol et Lannion 95. Ces bateaux étaient montés en moyenne par quatre hommes et ont pris une moyenne de deux mesures par bateau. Comme les parqueurs étrangers ne s’étaient pas présentés à la vente, la mesure d’huîtres s’est vendue sur le pied de 12 F non triées, et de 15 F triées. Aussi plusieurs pêcheurs ont préféré vendre leurs huîtres au cent, à raison de 3, 50 F et 4 F.

Les pêcheurs à pied étaient au nombre de 4 000 environ. Il serait difficile d’évaluer ce que cette pêche a pu rapporter. Une remarque a été faite : la reproduction de l’huître s’est arrêtée. Les petites huîtres et les huîtres dont la coquille est couverte de naissain étaient en fort petit nombre. Nous croyons que des mesures seraient à prendre pour étudier cette cause, et qu’une commission, nommée à cet effet pourrait rendre de grands services au commerce local et aux parqueurs pour lesquels l’huîtrière est une si précieuse ressource. »

« Dimanche dernier, le quai de Tréguier était fortement animé. C’était fête à bord du Crocodile où grâce à la générosité du commandant, le Capitaine de Frégate Léonard, un bal charmant avait été installé. Tous étaient admis sur la canonnière, et les rafraîchissements et les gâteaux n’ont pas manqué. Les officiers surveillaient cette fête qui s’est passée avec beaucoup d’entrain et de courtoisie. »