Trafic maritime des tuiles vers la Bretagne

Bon nombre de tuiles de Bridgwater qui couvrent nos toitures dans le Trégor-Goélo ont débarqué dans les ports de Lannion, Tréguier et Paimpol.

La lecture des hebdomadaires (Le Lannionnais, le Journal de Tréguier et le Journal de Paimpol) font état des mouvements de ces ports pour la semaine : entrées et sorties des bateaux. Ils ne sont malheureusement pas publiés régulièrement ni dans toutes les éditions...

En-tête du Journal de Paimpol, 27 avril 1879, 4 Mi 2 R archives départementales 22

L’analyse de ces mouvements nous révèle le nombre et la fréquence des entrées ainsi que ponctuellement, la nature des frets "aller" en transit vers des ports gallois ou directement vers Bridgwater. Pour la nature de la cargaison, s’il est noté "tuiles", pas de problèmes d’identification, mais il est souvent noté "briques", voire "briques et tuiles". Personne n’a encore trouvé de briques anglaises en Trégor-Goëlo.

Ainsi dans le Journal de Lannion, nous relevons sur 10 ans, de 1869 à 1879, 32 entrées au port de Lannion, avec des tuiles ou briques de Bridgwater, soit une moyenne de 3 par an, avec l’année 1872 à 9 bateaux et 1874 à 6. Trois bateaux sont partis directement sur lest pour Bridgwater, quelques jours avant leur retour à Lannion, un autre est parti de Paimpol. Cinq autres, trois sur lest et deux avec de l’avoine, sont allés à Bridgwater après le déchargement des tuiles à Lannion, retournant sans doute vers d’autres destinations bretonnes. Ces chiffres illustrent l’existence d’un échange direct aller-retour sur Bridgwater.

Quant au Journal de Paimpol de 1878 à 1888 nous comptabilisons en tuiles de Bridgwater sur dix ans, 13 entrées au port de Paimpol dont Anna, capitaine Corfdir, partie sur lest et deux bateaux anglais : Normandy, capitaine Berham et Pickwick, capitaine Bell, reparti sur lest pour Swansea. Dans le même temps, d’autres chargements de briques et tuiles sont arrivées de diverses destinations : 40 du Légué (tuilerie de Saint-Ilan), 7 de Jersey, un de Caen, un autre de Boulogne et 8 de Villequier (Seine-Inférieure). Cette dernière provenance à fait l’objet de publicité en 1885, dans ce journal avec François Perrot comme dépositaire.

Pour Tréguier, de 1877 à 1898, 44 cargaisons de briques et tuiles de Bridgwater ont été déchargées. Quatre bateaux sont préalablement partis directement pour Bridgwater sur lest et 3 autres, au départ de Paimpol, ont transité par Newport avec des poteaux de mines et Penarth avec des pommes de terre. Dans la même période 123 navires sont arrivés avec des tuiles du Légué (Saint-Ilan) et 5 de Villequier.

Déchargement d’un sloop à Tréguier, dessin aquarellé de Louis Marie Faudacq (1840-1916) , collection particulière

La consultation des registres des droits d’entrée du port de Bridgwater (Blake Museum de Bridgwater) a permis de repérer un premier bateau, les Trois Anges de 36 tonneaux sorti le 10 juillet 1867 pour Perros-Guirec. Durant les 3 années suivantes, 15 navires sont sortis de Bridgwater pour Tréguier et 4 pour Lannion où nous n’avons pu constater leur arrivée n’ayant pas les mouvements de port de cette période. En 1896-1897, trois sloops pointés à Bridgwater sont arrivés à Tréguier : Félicité, quatre fois, Marie Reine du Ciel et Félix Faure, une fois.

Enseigne du Blake Museum à Bridgwater, photo Océanide
Enseigne du Blake Museum à Bridgwater, photo Océanide

L’analyse nous révèle que pendant une trentaine d’années depuis 1866 jusqu’au début du 20e siècle, 2 à 3 bateaux par an (un peu moins à Paimpol) débarquent des briques et tuiles de Bridgwater dans les 3 principaux ports du Trégor-Goélo. Nous n’avons aucune connaissance des mouvements des autres ports : Toul an Héry, Perros Guirec, Port Blanc, Port Béni...

Bon nombre de ces navires sortent sur lest ou avec des blés directement pour Bridgwater. Quelques-uns partent avec des poteaux de mine ou des pommes de terre pour Penarth, Newport, Cardiff... et reviennent avec des tuiles. Nous avons aussi noté 2 bateaux anglais venus directement de Bridgwater avec des briques et repartis sur lest.

La plupart de ces bateaux sont des sloops de 20 à 40 tonneaux ou des lougres de 60 tonneaux de 12 à 20 m de long. Les chiffres réfutent sauf exception, l’hypothèse du commerce triangulaire avec les goélettes : sorties avec poteaux de mines, pommes de terre, oignons de Roscoff vers les ports du Pays de Galles et, quand le fret de retour en charbon manque, le passage par Bridgwater pour y charger des tuiles. Il est vrai que nous ne savons rien ou pas grand-chose sur les frets du début du 20e siècle...

Sloop à tape-cul sous voile à Tréguier, collection Marc Rappilliard