Le dundee "Rémora" une des victimes du sous-marin germanique UB.23

Photographe : Jack K Neale-association Océanide-Tréguier
Ci-dessus le dundee "Roger Robert" le 18 mai 1937 à Penarth, au gréement semblable à celui du "Rémora".

Le dundee « Rémora » a été construit en 1908 à Kérity. Jauge brute 92,05 tx, jauge nette 71,69 tx, Jauge prime 94,79 tx. Les armateurs : Libouban & Foricher à Pleubian. Vendu à M. Féchant Pierre à Pleubian, le 01 février 1909 ; Vendu à MM Geffroy maire de Pleubian et Riou capitaine au cabotage à Pleubian, chacun pour une demie part. Matricule 5P4-17, quartier maritime de Tréguier, n° 481. (SHD-Brest).
Equipage du « Rémora », le 09 septembre 1916 :
-  Commandant : Riou Yves, Marie, capitaine au cabotage.
-  Maître d’équipage : Guillossou Charles.
-  Matelot : Le Floch jean, né le 28 décembre 1877 à Penmarch, inscrit maritime définitif au quartier de Quimper, matricule 3P3, n° 172. Embarqué à Tréguier.
-  Les noms des deux autres membres de l’équipage ne sont pas mentionnés dans les différentes pièces du dossier.

Les circonstances de l’arraisonnement et de la destruction du dundee « Rémora » par le sous-marin allemand UB.23, proviennent de la transcription de l’interrogatoire à Evian le 06 octobre 1918, par les Services spéciaux de la Marine, du matelot Le Floch Jean, lors de son rapatriement pour raison de santé par l’entremise de la Croix Rouge Helvétique. (SHD-Vincennes).

Déclaration du matelot Le Floch Jean aux officiers des Services de renseignements de la Marine.
Le dundee « Rémora », depuis Pauillac dans le Médoc, devait rallier Newport au Pays de Galles, avec un chargement de poteaux de mines. Le 06 septembre 1916, il appareille du Verdon. Le 09 septembre 1916, entre 22h00 et 23h00, le « Rémora » est arraisonné dans les atterrages de l’île de Ouessant par le sous-marin germanique UB.23. Il est ordonné aux 5 hommes qui composent l’équipage de s’embarquer dans l’unique canot du bord. La mer est formée et, lors de sa mise à l’eau, le canot se brise contre la coque du « Rémora ». L’équipage est alors recueilli par le submersible, qui au cours de cette manœuvre endommagea la coque du dundee, ce qui évite la pose de pétards explosifs pour l’envoyer dans les abysses. Avant que le voiler ne sombre, deux marins allemands montent à bord pour récupérer les papiers ainsi que les deux montres du bord. Le Floch pense qu’ils n’eurent pas le temps de prendre autre chose, la mer étant trop mauvaise. Le sous-marin avait environ 60 m de longueur et un canon d’environ 75 mm placé sur l’avant. La nuit était très obscure et on ne pouvait rien voir d’autre. Les 5 hommes furent divisés en deux groupes : trois dans un espace d’environ 10m de long, sorte de dortoir cuisine placé à l’avant, et deux dans la salle des machines. Dans le dortoir cuisine, il y avait deux torpilles, une à bâbord et une à tribord contre la paroi. Elles étaient placées sur deux tréteaux et au-dessus il y avait deux chaînes avec deux mâchoires, fixées à deux poulies montées sur rail. Le tout était mû par électricité. Ce chariot permettait de saisir la torpille, de la soulever, la pousser et la faire glisser dans le tube lance-torpille. Mais il n’a pas remarqué ce tube lance-torpille dans la cloison avant. Pour aller dans la salle des machines, il fallait suivre une coursive de 15 m au milieu de laquelle se trouvait le kiosque où l’on pouvait monter par une seule échelle. Un officier s’y tenait toujours, mais une toile tendue sous lui empêchait de voir quoi que ce soit. Il y avait une seule porte dans cette coursive et il suppose que c’était celle de la chambre du commandant. Avant la salle des machines, il y avait un râtelier, avec une dizaine de fusils et de révolvers. La salle des machines, longue de 20m se trouvait sur l’AR. Il y avait constamment dix hommes. Deux moteurs, l’un à tribord et l’autre à bâbord, encombraient tout l’espace. Deux hommes étaient toujours occupés à manœuvrer deux volants et à soulever deux plaques, sous lesquelles apparaissaient des étincelles électriques. Il suppose que ces hommes maintenaient le sous-marin en position horizontale. Dans cette salle des machines, il était impossible de se reposer. Bien qu’il fût défendu de causer aux prisonniers, un matelot alsacien lui a dit que l’équipage se composait de 60 hommes (?) – nota : ce chiffre paraît élevé. Il lui a dit que le sous-marin pouvait quitter sa base 14 jours sans être ravitaillé. Il lui a dit qu’ils avaient coulé la goélette MARIE-LOUISE partie de Bordeaux en même temps que le REMORA. Le Floch reconnut, dans la salle des machines, les deux boussoles et les deux lanternes en cuivre de cette goélette. L’équipage avait été abandonné en pleine mer dans son canot.
Le Floch et ses compagnons sont restés quatre jours dans le sous-marin. De nuit, le sous-marin naviguait en surface et de jour en plongée. Mais, même de nuit, le capot ne fut pas ouvert une seule fois. Par trois fois, le sous-marin s’est posé sur le fond à une profondeur d’environ 50 m. La première fois 6 heures, la deuxième 3 heures et la troisième 12 heures. Cette troisième fois, le matelot alsacien lui a dit que le sous-marin était sous une escadre anglaise, en mer du Nord. On lui a dit qu’ils avaient fait le tour de l’Irlande et de l’Angleterre. Mais pendant ces quatre jours, aucun coup de canon ne fut tiré et aucune torpille lancée. Le sous-marin faisait 16 n en surface et 12 n en plongée. La nourriture de l’équipage se composait uniquement de pommes de terre et de haricots, et le pain était moisi. (Ils ont eu la même , EL’Alsacien, en particulier, semblait fort ennuyé d’être sur un sous-marin, préférant être à terre s’il devait être fait prisonnier.
Le 14 septembre 1916, les marins français sont débarqués à la base des sous-marins allemands de Zeebrugge en Flandre Occidentale, ils n’ont rien pu apercevoir, sinon que la jetée est démolie à un en- droit. Ils furent envoyés à Bruges. Le capitaine et le maître d’équipage et les trois matelots sont internés au camp de Sennelager C-Paderborn.

Le sous-marin gardes-côtes UB.23, entré en service en 1915, 23 membres d’équipages, y compris 2 officiers. SHD Brest : Fascicule de renseignements sur les sous-marins ennemis.

Tableau de chasse de l’UB.23, commandant l’enseigne de vaisseau Voigt, lors de cette patrouille du 02 au 14 septembre 1916.
Source : La guerre sous-marine. Tome 3. D’octobre 1915 à janvier 1917. pages 301 et 302. Contre-Amiral Arno Spindler, traduction du capitaine de frégate René Jouan - Editions Payot – Paris – 1935 :
Sont Coulés :
Le 03 septembre, près de Beachy Head, le trois mâts français Général-Archinard, 35 tx.
Le 04, grosse mer ; le 05, le sous-marin laisse passer 3 vapeurs sans les arrêter, parce qu’ils étaient armés.
Le 06, la goélette anglaise Britannia, 39 tx.
Le 07, les barques de pêche françaises Léonine, Jeanne-d’Arc, Emma, Farfadet, de 17 à 20 tx.
Le 08, le voilier français Marie-Louise, 153 tx, et le vapeur espagnol Mayo, 1 881 tx, chargé de charbon pour la France.
Le 09, le vapeur italien Gemma, 3 111 tx, et le dundee français Rémora*, 92 tx.
Le 10 et le 11, le sous-marin essaye vainement d’arrêter quelques vapeurs qui lui échappent à cause de leur vitesse supérieure.
* : dans le texte original Le « Rémora » est donné comme étant une goélette.

Epilogue.
Le maître d’équipage Guillossou Charles, est prisonnier civil en Allemagne du 10 septembre 1916 à octobre 1918, à l’hôpital du camp de prisonniers de Friedrichsfeld, près de Wesel, ville à 45 km de la frontière entre l’Allemagne et les Pays-Bas. Cette ville est située sur le cours inférieur du Rhin, à la limite nord-ouest de la région de la Ruhr en Rhénanie-du-Nord-Westphalie.
A compter d’octobre 1918, il est interné de guerre à Leysin, Suisse, pour cause de maladie.
Mort pour la France, le 01 novembre 1918, à l’hôpital cantonal de Lausanne, Suisse. Jugement du Tribunal Civil de Lannion en date du 29 août 1922. Genre de mort : tuberculose pulmonaire.

Le sous-marin garde-côtes UB.23, entré en service en 1915, 23 membres d’équipage officiers compris. SHD-Brest. Fascicule de renseignements sur les sous-marins ennemis.

Caractéristiques techniques.
Type : série UB-18 – 47, trente exemplaires construits.
Dimensions : Longueur = 36,12 m, largeur maximum = 4,12 m.
Longueur de la coque résistante = 27,12 m, largeur de la coque résistante = 3,85 m.
Tirant d’eau moyen = 3,60 m.
Déplacement : en surface 260 t, en plongée 303 t.
Motorisation : 2 x moteurs thermiques de 142 cv chacun.
2 x moteurs électriques de 50 cv chacun.
Vitesse en surface = 8,5 nœuds, en plongée = 5,8 nœuds.
Autonomie : en surface = 2 200 nautiques à 8,5 nœuds, en plongée = 45 nautiques à 4,5 nœuds.
Carburant : 25 195 litres de gazole.
Armement.
2 tubes lance-torpilles de 500 mm à l’avant.
1 x canon de 5 cm.
1 x mitrailleuse, type Maxim Mle 1908-fabrication 1914.
3 x fusils 7,92 mm Mauser, 5 pistolet automatiques 9 mm parabellum, 1 x pistolet lance-fusées.
Munitions.
4 x torpilles de 500 mm
113 coups de 5 cm et les fusées correspondantes au nombre de 130.
8 bandes de mitrailleuses à 250 cartouches chacune.
Des cartouches de 7,92 mm Mauser dont 40 perforantes, et des cartouches de 9 mm parabellum.
Artifices.
6 x grenades à main, 5 x pétards explosifs pour couler les voiliers, 530 fusées de signaux.